Sommaire
Jérôme Guedj Allocution
Louis Couturier Pourquoi La Libre Pensée commémore Paul Lafargue
Marc Blondel Présentation du colloque
Serge Bianchi Paul Lafargue, dans son temps, dans notre temps
Jacques Macé Paul Lafargue, approche biographique
Gilles Candar Lafargue et Jaurès
Jean-Numa Ducange Paul Lafargue, figure internationale du socialisme
Jean-Marc Schiappa A propos de l’anticléricalisme de Lafargue
Maurice Gelbard Lafargue : Une proposition de loi de séparation de l’Église et de l’État aux attendus surprenants
Jacques Macé Le mystère Lafargue
Daniel Carré La Société face à la mort : Combat de l’ADMD pour la légalisation d’une aide active à mourir
Marc Blondel, présentation du colloque
Citoyens, citoyennes, il va nous falloir travailler dans une relative intimité due, sans doute, à la non-maîtrise du temps -maussade- par le Président de la Fédération de l’Essonne.
J’ai coutume de dire que je suis Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée, Président, responsable de gens qui ne veulent pas de chef. Ceci pour souligner que notre état d’esprit nous porte à nous interroger, à douter, à contester.
Nous nous voulons les héritiers des sceptiques grecs.
Nous avons besoin de nous renseigner, de nous cultiver, il n’y a pas d’âge pour cela.
Ce genre d’initiative permet ainsi de suppléer les éventuelles faiblesses de l’enseignement – particulièrement celui de !’Histoire -. Celui-ci se détériorant de manière régulière, heureusement que ce genre d’initiatives permet à ceux qui veulent en savoir plus d’acquérir quelques connaissances supplémentaires.
Je me félicite que ce colloque se tienne ici et que les thèmes que nous allons traiter entrent dans ce cadre. Je tiens à remercier les Autorités publiques qui ont facilité sa tenue. Il n’est pas mauvais, en ces temps de campagne électorale, d’utiliser l’élan dans les relations de ces Autorités avec les citoyens pour aborder des problèmes tels que celui-ci.
En général, les élus que nous rencontrons lors de nos initiatives, nous sollicitent au sujet de la Laïcité.
La laïcité n’est pas exclusivement un phénomène national, ni un problème d’opportunité au moment des élections. C’est quelque chose d’universel, de permanent.
Je peux donner l’impression d’être distant avec Lafargue, mais je ne le suis pas : l’un des caractères de Lafargue, c’est son anticléricalisme, ou plus exactement une anti-religiosité. Il avait ressenti – anticipation qui me paraît importante – que Capitalisme et Religion ne feraient qu’un, ne pouvaient faire qu’un et que la Religion serait ainsi utilisée autant que de besoin . Il dénonce le dieu Capital avec beaucoup de talent.
Je pense que l’on a tendance à considérer le Droit à la paresse comme un bouclier pour … paresser, refuser de faire ses devoirs, quand on est écolier ou étudiant, par exemple. Ce n’est pas du tout cela. Nos amis historiens y reviendront et permettront de resituer cet ouvrage dans la période où il a été écrit, en 1880, avant le développement industriel que nous connaissons.
Il est incontestable que la naissance du mouvement syndical est venue avec le développement industriel.
Il est intéressant de constater que dans les idées de Lafargue on retrouve des choses curieuses. J’ai tendance à accoupler les déclarations du Président Sarkozy – travailler plus pour gagner plus – avec ce que dénonçait Lafargue : que le capitalisme conduisait, par souci d’en avoir toujours plus, à vouloir faire travailler tout le monde plus longtemps. Parfois on sent chez Lafargue une anticipation : la condamnation de la consommation pour la consommation. Il a dénoncé le travail des femmes et le travail des enfants.
J’ai connu le moment où le travail de nuit des femmes était encore interdit dans l’industrie parce que la France avait ratifié la convention internationale qui interdisait le travail de nuit des femmes dans l’industrie. Au nom de l’égalitarisme, des • Président de la Fédération nationale de la Libre Pensée 10 celui de la classe ouvrière, n’était pas une affaire nationale. Elle était en avance sur la mondialisation. Le Bureau International du Travail a pu être mis debout parce que les patrons avaient une peur bleue de la pénétration de la Révolution d’Octobre.
Lafargue ne fut pas très heureux de la Charte d’Amiens en 1906. Comme Jules Guesde, il ne croyait pas au mouvement syndical indépendant des partis. Le mouvement syndical n’était bon qu’à organiser des grèves. Pour le reste, qu’il s’en remette au parti : qu’il vote bien et il aura des lois qui lui donneront satisfaction. Cela reste le b.a.-ba de la social-démocratie. Jules Guesde développe cela, Lafargue aussi, lors de ses campagnes électorales dans le Nord de la France.
Il a ferraillé contre Jaurès qui, sur ce point, était plus nuancé. J’apprécie Jean Jaurès, il me rappelle qu’il ne faut pas céder à l’extrémisme (je serais volontiers extrémiste).
En 1905, dans le débat sur la séparation effective des Églises et de l’ État, j’aurais été plutôt allariste1. Ce qui aurait été stupide. Cela menait à la guerre civile. Jaurès et Ferdinand Buisson, par leur travail et leurs déclarations, ont équilibré les choses.
Eux, ils parlaient comme des hommes politiques ayant une optique de gestion du pays.
Laisser croire que le mouvement syndical peut être en lien permanent avec les partis politiques est une erreur. En 1906, ils ont eu raison. L’indépendance syndicale est une nécessité. Aux syndicats revient la défense des intérêts des salariés. Aux partis revient la gestion de la société.
En système capitaliste il y a des antagonismes. Même en situation de dictature du prolétariat, l’expérience l’a montré, il y a nécessité de syndicats indépendants.
Lafargue était du côté de Jules Guesde, ce qui ne veut pas dire qu’il était toujours sur cette ligne de dépendance des syndicats à l’égard des partis. Soulignons qu’en 1906, le mouvement syndical était : anticlérical, anticapitaliste, antimilitariste.
Nous reviendrons, à la fin du colloque, sur la liberté de vivre et de mourir avec l’ADMD. Cela relie Lafargue à la Libre Pensée.
Il y a quelques mois, avec Jean-Luc Romero, Président de l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), nous eussions pu obtenir, au Sénat, un vote concernant l’euthanasie. Nous devions gagner, même les sénateurs UMP étaient favorables. l’Église a repris la main . Le texte final fut totalement neutre.
L’archevêque de Lyon a téléphoné personnellement aux sénateurs, y compris UMP et leur a demandé de ne pas voter. L’affaire n’est pas finie, nous ne renonçons pas.
Lafargue n’a pas connu la mise en place de structures européennes qui font que le budget de la France devra être soumis à l’Europe. Je ne connais pas Barroso, je n’ai pas voté pour M. Barroso, il n’a aucune délégation citoyenne. Je n’insisterai pas car je ne veux pas transformer notre colloque en campagne électorale.
Mais savez-vous que, déjà, sur tous les problèmes de bioéthique, il existe une commission, à Bruxelles. La représentation française est assurée par un ecclésiastique et une vierge consacrée. Ils font, ainsi, autour de Barroso, du lobbying pour encadrer notre vie de citoyen, notre liberté, notre morale. Ils mettent ainsi en place ce qu’ils appellent dans leur jargon : la gouvernance mondiale.
C’est une utopie dangereuse : la gouvernance mondiale, c’est donner le moyen de gouverner aux possédants, c’est-à-dire aux financiers capitalistes. Les droits des 1 Maurice Allard (1860-1942), un des dirigeants de premier plan de la Libre Pensée avec F. Buisson, A. Briand. Il était favorable à une loi de suppression des Églises par l’État.
11 citoyens seront, par définition , bafoués.
Si dans l’un des 27 pays nous devions voter contre, nous ne le pourrions pas, car c’est à l’Europe qu’il reviendra de décider. Ce qui vaut pour la France, vaut pour la Grèce. Ils ont viré Papandreou. Cela vaut aussi pour l’Italie, même si le régime de Berlusconi n’avait pas notre agrément. La façon dont tout cela se passe est tout à fait antidémocratique.
Nos amis historiens et universitaires, vont enrichir nos connaissances sur Paul Lafargue. Ne pas faire du « droit à la paresse » un slogan. Replacer les choses dans leur époque. Bien entendu, on s’arrêtera sur le Droit à la paresse mais La religion du capital et ses autres œuvres méritent d’être lues. Paul Lafargue est intervenu à propos de la santé des salariés, il était médecin, ne l’oubliez pas. Il dénonçait déjà les maladies dues au travail. Il dénonçait les ravages dus au travail des enfants de 6 à 8 ans dans l’industrie. Toute son œuvre mérite d’être connue et lue.
C’est avec plaisir que nous allons entendre nos amis.